Auteur Jibril DAHO - Editions Franco-Berbères
Jibril était un ami facebook de longue date. Notre amitié était sincère. Il est décédé le 13 mai 2023 alors qu'il terminait l'écriture de son second ouvrage " L'épopée solitaire du dernier juif d'Oran (1927-2010) " édité quelques mois plus tard à titre posthume. J'ai fait l'impossible pour me le procurer et j'y suis parvenue, je parlerai de ma lecture sur un autre article.
Je veux souligner, la richesse du vocabulaire utilisé
par l'Auteur. Il magnifie l'ouvrage. Je veux également signaler également la présence de
précieuses annotations en bas de chaque page pour la bonne compréhension du
texte, elles sont indispensables.
Jibril Daho nous fait don d'une très intéressante analyse : socioculturelle, politique, spirituelle et psychologique. Il évoque magnifiquement à travers les époques, l'incroyable destin de couples judéo musulmans et le cheminement douloureux de trois femmes juives par filiation maternelle, dont l'existence est régentée par une sorte d'exil pieux parfaitement assumé mais au prix d'une discrétion absolue l'histoire se déroulant en terre d'Islam. Les paysages sont superbement décrits. Les portraits des personnages sont remarquables. L'histoire au fil des pages se déroule en Kabylie orientale, contrée d'Algérie, pays et région tourmentés par de nombreux conflits et l'obstination populaire à préserver sa propre culture sociétale. Ce livre est passionnant et troublant. J'ai vraiment adoré. Ne pouvant réduire davantage mes citations, je me suis astreinte à ne citer que quelques mots des protagonistes de cette histoire incroyable d'une soumission volontaire à la loi du silence et de la tolérance de couples s'aimant par-dessus tout.
Page 45 : Malheur à qui est insensible aux lois de la tradition " lui dit un jour le père de Mansour en guise d'avertissement.
Première génération, première union judéo musulmane - Mansour et Soltana : Mansour est banni de Ghardaïa après avoir épousé Soltana issue de la communauté juive. Ils ont pourtant grandi ensemble tout en respectant les interdits exigés par la coutume. Ils laissent derrière eux, famille et amis pour commencer une nouvelle vie.
Page 43 ... Dans la même extase mystique, lui aimait l'Islam et elle le Judaïsme. En ces temps-là, la dévotion était intimement personnelle, une vertu divine sans transgression des autres croyances. Mis à part Mansour, nul dans son voisinage ne connaissait la confession juive de Soltana, aussi pratiquait-elle son culte avec réserve et discrétion. Le couple, loin de sa ville natale et au gré de difficultés surmontées au fil du temps, vit heureux et dans une parfaite communion spirituelle, chacun étant doté d'une bonne dose de tolérance et d'intelligence.
Page 53 (Mansour et Soltana) Conjuguèrent leurs efforts pour l'épanouissement de leur foyer et à la réussite de leur commerce. Ils eurent une fille Messaouda.
Page 56 ... ils se gardaient de lui révéler le secret plombé de leur couple judéo musulman.
Page 26 Depuis son jeune âge l'adolescente savait que ses parents étaient bannis de Ghardaïa. Ces derniers s'étaient gardés de lui révéler le vrai motif de dissensions entre eux et leurs parents.... Le sujet devint tabou, et, en sa présence, n'était jamais plus évoqué. Âgée d'une quinzaine d'années Messaouda rencontre Mohand.
Page 57 En cette soirée mirifique, chargée d'effluves orientaux qui fumaient dans une cassolette, un enjouement inaccoutumé animait le visage de Mohand séduit par le charme irrésistible de la jeune fille... Ses yeux baissés lui dérobaient l'enchantement voluptueux exprimé dans le regard enflammé de son admirateur...
Seconde génération seconde union judéo musulmane Mohand
et Messaouda :
Page 59 Ce fut par une admirable fin de journée de bonne
saison de figues, marquant le paroxysme de l'été, que prit fin le voyage par
train de la mariée (Messaouda) et du cortège nuptial composé de Soltana et de
quelques membres affidés de la famille de Mohand. L'installation du couple à
Tighamime (lieu d'origine de Mohand) ne se passe pas sans nuages. On disait…
Page 62 … Messaouda, l'esthète citadine, était heureuse et
rassurée de savoir que son homme l'acceptait telle qu'elle était, à la fois
femme de caractère et conservatrice de la culture de sa famille.
Page 61 … Dans l'euphorie de son bonheur, la jeune mariée
trouvait chez son mari, un allié, sinon un admirateur d'une constante adoration
qui n'avait aucune intention de vouloir kabyliser ses mœurs et ses traditions
vestimentaires... À force du grand amour qui les lie, à force de travail et
d'abnégation, le couple vit heureux. De cette belle union naît une fille.
Page 64... À la naissance de Taos, ni youyous n'étaient poussés, ni coups de feu ne furent tirés. Taos était née par une nuit étincelante de mille éclats sous un beau clair de lune.
Page 67... La foi en Dieu pouvait adoucir la douleur. Heureux ceux à qui cette dévotion restait fidèle. Ces gens simples nourrissaient leur esprit de croyances enracinées...
Page 72... Par petites touches, elle parvint, non sans appréhension à lui révéler sa judaïté cachée. Soltana conta à sa fille les cruelles péripéties et tous les aléas de parcours que son couple avait subi pour s'être uni en dépit des mœurs communautaires...
Troisième génération troisième union judéo musulmane -
Ali et Taos :
Page 89 ... Pour conjurer le sort et rattraper le retard de leur passé pétrifié par le déplaisir d'un long célibat, les deux époux, l'un pour l'autre émerveillé, s'aimèrent d'un amour paisible. Un beau bébé naquit de cette union faite sur le tard et pour l'un et pour l'autre. Taos encore alitée sa grand-mère usa de subterfuges afin de provoquer une circoncision immédiate et cela conformément au rite juif. À l'âge de 3 ans Adel devint à l'insu de tous Adel Sultan : adepte complet de la Judaïté ou juif à part entière.
Page 101 … Pour sa pérennité, notre rite religieux a besoin de femmes opiniâtres, dotées d'un esprit vigoureux. Je t'ai transmis, tout ce que j'avais appris de ta grand-mère, mais je ne t'avais jamais indiqué les origines de nos traditions. En vérité ta grand-mère n'est pas mozabite-ibadite, comme nous te l'avions laissé entendre jusque-là. Elle est issue de la communauté juive de Ghardaïa. Par les liens du sang qui nous unissent, nous sommes juives par filiation maternelle. Si jusqu'à présent j'ai gardé le secret, c'est pour ne pas troubler ton foyer et t'éviter de vivre les tourments qu'à connus ta grand-mère. .. Maintenant que tu es veuve, je te l'avoue afin de soulager ma conscience du secret pesant que je porte depuis le décès de ton père...
Page 108 …elles (Slotana, Messaouda, Taos) pleurèrent sa disparition, son destin pathétique, son exil contraint, ses brûlures de nostalgie et son bannissement cruel décidé par les gardiens du temple mozabite-ibadite. Taos accepte cet héritage si lourd de tabous et d'interdits.
Page 114 .. Elle tenait vaille que vaille à continuer de porter le flambeau du Judaïsme en terre d'Islam...
En plein conflits religieux et politique, Abel grandit et ne
sait toujours pas qu'il est juif. Il se tourne vers l'Islam et devient Imam
officiel à Alger. Il va chercher à connaître le passé de ses ancêtres en
retournant à Ghardaïa. Là, il est confronté au mutisme d'une population qui au
fil des ans à transmis le bannissement de Mansour et Soltana d'il y a pourtant
si longtemps. Il comprend qu'un secret a été "religieusement" gardé
au sein de sa famille, mais quel secret ? Entrainé par certaines dérives religieuses,
Abel jeune imam en pleine réflexion idéologique sera arrêté quelques jours puis
libéré. Taos ne le supportera pas. Abel ne saura le fin mot de l'omerta qui a
sévit au cœur de sa famille durant des générations, qu'en rangeant les
vêtements de sa mère avant de s'exiler en France. Que fera Abel en France ?
Jibril Daho nous promet une suite qui vraiment s'impose. On ne peut qu'admirer la description de l'auteur de chacune de ces femmes juives mariées toutes trois à des musulmans qu'elles aiment plus que tout.
Dieu est un, seule la façon de s'adresser à lui diffère. Jibril Daho (Messaouda à Taos)

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