de Claudie GALLAY - roman collection de livres de
poche Babel. 9,90 euros
Prix des lecteurs de la Ville de Brive-la-Gaillarde 2008
Prix Culture et Bibliothèques pour tous (CBPT) 2009
Grand prix des lectrices de Elle 2009
Prix Livre & Mer Henri-Queffélec 2009
Prix des Lecteurs du Télégramme - Prix Jean-Pierre Coudurier 2009
Prix Rosine Perrier 2009
Prix Littéraire de la Ville de Caen 2009
Résumé
Aux premiers jours de décembre, Carole regagne sa vallée
natale, dans le massif de la Vanoise, où son père, Curtil, lui a donné
rendez-vous. Elle retrouve son frère et sa soeur, restés depuis toujours dans
le village de leur enfance. Garde forestier, Philippe rêve de baliser un
sentier de randonnée suivant le chemin emprunté par Hannibal à travers les
Alpes. Gaby, la plus jeune, vit dans un bungalow où elle attend son homme, en
taule pour quelques mois, et élève une fille qui n'est pas la sienne. Dans le
Val-des-Seuls, il y a aussi le vieux Sam, pourvoyeur de souvenirs, le beau
Jean, la Baronne et ses chiens, le bar à Francky avec sa jolie serveuse...
Dans le gîte qu'elle loue, à côté de la scierie, Carole se
consacre à une traduction sur la vie de Christo, l'artiste qui voile les choses
pour mieux les révéler. Les jours passent, qui pourraient lui permettre de
renouer, avec Philippe et Gaby un lien qui n'a rien d'évident : Gaby et
Philippe se comprennent, se ressemblent ; Carole est celle qui est partie,
celle qui se pose trop de questions. Entre eux, comme une ombre, cet incendie
qui a naguère détruit leur maison d'enfance et définitivement abîmé les poumons
de Gaby. Décembre s'écoule, le froid s'installe, la neige arrive... Curtil
sera-t-il là pour Noël ?
Avec une attention aussi intense que bienveillante, Claudie
Gallay déchiffre les non-dits du lien familial et éclaire la part d'absolu que
chacun porte en soi. Pénétrant comme une brume, doux comme un soleil d'hiver et
imprévisible comme un lac gelé, Une part de ciel est un roman d'atmosphère à la
tendresse fraternelle qui bâtit tranquillement, sur des mémoires apaisées, de
possibles futurs.
Ce que j'en pense, ce que j'ai retenu mais en fait je
n'oublierai rien de ce roman
Je suis entrée dans l'histoire immédiatement. Une part
de ciel de Claudie Gallay (après Les déferlantes qui m'ont transportées je
voulais lire encore cet auteur) Pour les deux ouvrages j'ai retrouvé
le même style d'écriture exactement, exemple : Les déferlantes
page 47 - La mer qui donne pour toutes les fois où elle prend ! elle
dit. dans Une part de ciel page 35 - On dirait que tu as passé sous un
train..., j'ai dit quand il a raccroché.
Dans les deux histoires, j'ai retrouvé l'attirance
pudique et très discrète d'un seul homme. J'ai retrouvé aussi une obsession
omniprésente : Les déferlantes.. un deuil dont la narratrice ne se
remet que très difficilement, l'oubli de son amour se transformerait en
remords à moins que cela se fasse tout doucement : et dans Une
part de ciel l'obsession c'est le remord qui la torture, le remord d'un
seul regard qui l'a fait choisir elle plutôt que sa soeur dans un
moment clé de son enfance, elle se sent coupable d'avoir regardé sa mère dans
les yeux ce jour-là depuis elle n'ose plus regarder en face. Dans chacun de ces
deux livres j'ai retrouvé aussi la même humanité, la même tendresse dans les
expressions. Les attitudes de l'être humain sont disséquées presque
psychanalysées. L'histoire est chronologique, il s'agit d'un journal. C'est une
belle étude du comportement humain. Des "déferlantes" est sorti un
film sublime d'Une part de ciel un film serait le bienvenu, un bel
aboutissement.
Oui le style personnel de Claudie Gallay est une
découverte pour moi , l'auteur a en effet une manière très analytique de
décortiquer chaque mouvement chaque instant de la vie tout à fait banale de
chacun de ses personnages. Après une plongée dans la vie ordinaire mais
difficile autant qu'énigmatique de la région de Basse-Normandie réputée
pour sa dureté, La Hague exactement (dans Les déferlantes) Claudie Gallay nous
transporte dans une autre région de France, La vallée de la Maurienne, le val,
une région montagnarde en hiver glacée et grandiose, une vie
difficile pour les gens qui y vivent pratiquement dans la précarité. Si la
Hague était le personnage principal du roman dans celui-ci on pense au regard
qui peut s'avérer capital et à l'Essentiel et on s'arrange avec le
reste. Une belle analyse des retrouvailles et de la redécouverte d'une fratrie
dispersée grâce à un père qu'on attend de revoir pour la première fois depuis
longtemps ensemble, du "vivre au jour le jour" dans un environnement
rude et laborieux. L'hiver à la montagne ça n'est jamais facile pour personne
dans ce décor gelé proche des fêtes de Noël où Carole notre
narratrice, partie vivre en ville revient répondre à l'appel de son
père Curtil, elle est née ici, elle est d'ici de ce village qui survit au
mieux, elle connaît tout le monde, elle a ses habitudes. Elle va retrouver son
frère aîné Philippe, garde-forestier marié à Emma qui est souvent partie
et sa soeur cadette Gaby, malade depuis l'incendie qui a bouleversé leur enfance
à tous les trois, Gaby habite dans un vieux mobile où elle a un mal fou à
boucler les fins de mois malgré son job à l'hôtel et ses captures d'écureuil
dont les poils de queue servent à la fabrication de pinceaux vendus, enfin elle
le croit.. chez Sam, mais Gaby à sa môme qui n'est d'ailleurs pas sa
fille, cette gamine de 18 ans a été laissée chez elle toute petite
par ses parents qui ne sont jamais revenus la chercher, Gaby l'a élevée, elles
vivent par intermittence avec Yvon qui est en ce moment en prison, il
va et vient. Carole attend son père, la fratrie attend son père qui partait
souvent autrefois puis revenait puis repartait, leur mère supportait ça, il
leur a envoyé un message qui leur est resté
familier pour ce retrouver à Noël au Val, en l'attendant
la fratrie va renouer des liens usés par le temps et par la séparation. Il fait
très froid dans la Vanoise. Les descriptions des paysages sont magnifiques, les
personnages tous attendrissants et cet homme en filigrane qui n'est jamais bien
loin de Carole, Jean et sa dameuse.. il est marié
mais ses regards et les occasions de parler à Carole, même
rares, sont emprunts d'une attirance sans doute réciproque mais étouffée,
cachée. Carole est seule elle ne nomme pas son époux partit non elle dit :
le père de mes filles. Il y a la Baronne et son chenil, un personnage au
grand coeur qui héberge et soigne tous les chiens abandonnés. Il y a le
vieux Sam et sa petite boutique et son thé que Carole n'aime pas d'abord et
puis on se fait à tout, Sam c'est le père de Jean. Il y a Marius curieux jeune
garçon jamais loin de la môme, on voudrait le deviner davantage. Il y a l'Oncle
et sa femme et leurs garçons dont Marius fait partie. Il y a le bar à
Francky et son café ou chocolat chaud, son repas chaud c'est chez lui
juste en face de la chambre louée par la narratrice pour l'occasion et où
il fait froid, il y a Diego en cuisine et sa passion des puzzles, il y a
les gars, les bûcherons de la scierie qui se retrouvent tous chez Francky,
c'est là qu'on cause, c'est là qu'on raconte ce qui se passe dans la vallée.
Carole vit au jour le jour dans cette chambre louée où elle traduit un bouquin
de Christo et où ses nuits sont perturbées par une fouine qui cavale là-haut,
elle vit les heures qui passent en photographiant la serveuse d'en
face et toujours à la même heure, elle se reconstruit, elle se souvient, elle
raconte, la cellule familiale va se ressouder c'est du moins ce que le lecteur
espère. Humainement parlant, c'est superbe.
Quelques extraits parmi tant d'autres relevés mais
tout le livre est si bien écrit
Une phrase que j'ai beaucoup aimée page 41... - c'est pas
les ans qui font l'habitude... - et c'est quoi qui fait l'habitude ? - c'est le
renoncement...
Page 79 - Pourquoi tu l'as pris ? - ça m'a fait envie. -
C'est pas des manières... Et l'envie doit décider de rien ! L'envie, c'est rien
que du poison, une pelle pour creuser ta tombe et te mettre la terre
par-dessus. Tu entends ? Des tonnes de terre... Y a pas pire saloperie,
n'oublie jamais c'que j'te dis !
Page 82 - Ne parle pas de la mer à un poisson qui vit
au fond d'un puits, il ne comprendrait pas !. C'était ça, la formule oubliée de
Curtil. Elle m'est revenue en mémoire...
Page 103 - (Philippe à Carole) A quoi tu penses ? - Au
passé. - Et alors ? - Alors rien... Tu vas refaire ta vie ? Je me suis marrée.
La vie on ne la refait pas. On fait des choix et on laisse des choses. Il
m'arrive de penser à celles que je laisse. Les choix qui restent. Tout ce qu'on
ne vit pas. Il faudrait des vies de plus pour vivre certaines de ces
choses.
Page 119 - La Baronne se mêlait peu aux autres. Elle pensait
que l'homme n'était pas bon, que c'était pure hypocrisie que de dire qu'il
l'était, mais qu'admettre cela conduirait à remettre en question une part
importante de notre système de relation aux autres et se solderait forcément, à
plus ou moins longue échéance, par la perte de l'humanité. Il était essentiel
donc que la société cultive cet angélisme aveugle...
Page 126 - J'ai pensé à ce que m'avait dit le vieux Sam sur
les paroles des morts portées par les ailes des monarques. J'ai écouté et j'ai
oublié le vent, la robe ou les chiffons, j'ai oublié l'envol des monarques, ce
que j'entendais pouvait être plus qu'un bruissement, bien plus qu'un formidable
battement de milliards d'ailes.
Page 148 - Philippe dit qu'un chemin sans homme n'est rien.
Qu'il existe seulement si des hommes l'empruntent. De même, une maison vide. De
même encore, les choses ne sont réelles qu'à partir du moment où on les
nomme...
Page 299 - Vous avez remarqué, quand on les observe trop
comme les chats détournent la tête ? ... C'est à cause d'un mystérieux savoir
qu'ils possèdent et qui peut se lire dans leurs prunelles. Il paraît que ce
secret est une chose simple qui permettrait de comprendre toutes les autres.
Page 454 - Il y a des jours où la montagne hurle, d'autres
où elle geint, et puis il y a ceux où elle prend. on raconte que celui qui
résiste à la forêt un an et un jour obtient la clémence des dieux...
page 532 - C'était la vie, cette drôle de vie qui
continuait. Je lui ai tendu la main. Une main tendue... Il ne savait pas à quel
point je le connaissais... Les battements de son coeur, la chaleur, j'ai tout
absorbé, tout laissé glisser au-dedans de moi, dans mon ultime mémoire, pour
plus tard et pour longtemps. J'ai pensé que si je le regardais, il
m'embrasserait. Il partirait avec moi. Laisserait l'autre. Pouvais-je utiliser
ce regard encore une fois ? Celui qui avait obligé ma mère ? Pouvais-je forcer
Jean à me choisir ? ...
(Curtil sera-t-il au rendez-vous ?)
Une part de ciel - un roman sur les liens familiaux
parfois estompés pour des tas de raisons mais qu'on peut raviver si on le
veut vraiment. Comme pour les Déferlantes j'ai eu un mal fou à fermer Une
part de ciel tant j'ai aimé ses habitants du Val et Carole et comme dans les
Déferlantes j'ai parfaitement visualisé les paysages grandioses d'Une part de
ciel. Pour moi c'est signe d'un excellent livre.
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