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SEULE VENISE DE CLAUDIEI GALLAY
2004 - PRIX FOLIES D'ENCRE & PRIX DU SALON D'AMDRONAY
Ce livre m'a été conseillé par Ana (qui habite au Mexique et
qui est devenue une habituée de ce petit monde où je partage avec bonheur mes
impressions de lectures) je la remercie d'ailleurs et je suis ravie de
l'intérêt que nous avons en commun même ainsi éloignées l'une de l'autre : la
lecture un lien précieux de même que cette amitié naissante qui se construit au
fil des semaines des mois et des années entre nous.
Ce livre je le conseille à tous mais surtout à Michèle ma
chère MamieRousse que j'imagine dans quelques jours complètement imprégnée
elle-aussi de cette atmosphère si particulière qui se dégage de cette histoire
dans les ruelles sombres de Venise à Noël.
J'ai en fait découvert l'univers littéraire, le style très
particulier de Claudie Gallay en lisant d'abord " Les déferlantes "
grâce aux conseils d'une amie qui habite à deux pas de chez moi, Lili que
j'aime beaucoup et que je ne vois pas assez souvent, puis je me suis procuré
" L'amour est une île « .
Après ces lectures j'ai ouvert " Seule, Venise
" avec un besoin pressant de me plonger à nouveau dans l'ambiance si
personnelle de Claudie Gallay. Je ne suis pas déçue.
Mon avis :
C'est bientôt Noël. Notre héroïne est désespérée
" elle a le corps en friche " lorsqu'elle prend ce train
qui l'entraîne le plus loin possible, le plus loin possible dans son histoire
c'est Venise mais Venise glacée sous la pluie, dans le vent et sous la neige.
Venise isolée, abandonnée tout comme elle. ... Page 10 " Je baisse la
vitre. Je passe la tête. La lagune. Sur la gauche, une île se détache. Quelques
arbres avec du gravier autour. Une île fantôme. Une île comme une tombe. Au
loin, derrière la brume, un pan de mur, quelques pierres roses, le campanile
dressé d'une église. Des façades perdues, noyées, comme absorbées. Venise,
l'opaque. C'est ainsi qu'elle m'apparaît la première fois " ...
Le lecteur lit en fait les pensées intimes de cette femme,
pensées qui s'adressent à un homme rencontré au hasard de ses errances. Va-t-il
contribuer à sa reconstruction ?
On retrouve dans ce roman des similitudes avec les livres
précédents mais ça ne m'a aucunement dérangée. Femme seule en déprime profonde.
Solitude. D'autres solitudes alentours. Un endroit précis parfaitement détaillé
où l'histoire va se dérouler. Un quotidien minutieusement détaillé aussi c'est
le style de Claudie Gallay. Le vent, ici la Bora un vent d'Est glacial. Un
homme qui passe dans sa vie à petits coups de rencontres hasardeuses du moins
dans la première partie. Une personne recherchée. des religieux (pour ne pas
trop en dire).
Autour de cette femme gravitent plusieurs personnages tous
aussi attachants les uns que les autres. Le propriétaire de la pension Luigi
qui s'occupe de la cuisine, de tout et de ses 18 chats qui n'entrent jamais
dans la maison. Il est seul, il attend sa fille et ses petits enfants pour
Noël, pour passer le temps il construit des maquettes avec des allumettes.
Page 19 …" Quand j'arrive devant la porte, je sonne. La
porte s'ouvre. Derrière, un grand jardin entouré de murs. Tout au fond, la
pension. L'ancien palais des Bragadin "... Il y a 3 chambres.
La chambre Casanova occupée par une danseuse Clara qui
travaille chaque jour en justaucorps sous le nez du Prince qui dit-elle se
rince l'œil elle occupe cette chambre avec son amant Valentino. « Vous
êtes en voyage d'amour (demande Clara à notre héroïne) - Je suis à l'étape
suivante celle ou il faut oublier " Page 34 elle pense de la
danseuse et de son amant que " La vie ne leur est pas encore
passée dessus " page 34.
La chambre bleue celle du Prince, un vieil aristocrate russe
dans son fauteuil roulant obsédé par les minutes de retard qui dans le temps
lui ont été fatales. Il est là depuis 5 ans. Il aime avec passion Tatiana
une servante du temps d'avant qu'il pense ne jamais revoir avant de mourir. Il
aime la littérature, il raconte son exil. Il aime le vin et apprend à notre
héroïne à le déguster. Il aime la musique et lui apprend à l'écouter et à
l'apprécier.
Elle, c'est la chambre des anges où elle a toujours froid et
où elle plie et replie ses vêtements, un toc sans doute. Elle traîne sa peine
dans Venise.
Page 28 … " Dans les rues, il y a des guirlandes
et des sapins décorés. Des enfants qui plaquent leurs mains contre les
vitrines. Des vendeurs de marrons. Des odeurs encore, prises entre les murs des
ruelles, coincées là et puis mélangées. Des odeurs de vanille, de café, les
odeurs plus chaudes du chocolat. Des parfums de femmes, des parfums de cuir...
Je commence à rêver. Parfois je rêve si fort, je sens le rêve dans ma bouche.
Ça me fait grincer des dents "...
Et puis elle marche, elle marche encore et nous fait aimer
Venise ce grand village où tout le monde se connait, elle découvre en se
rappelant des mots des remarques de Trévor son amour perdu.
Page 38 " Je marche. Je veux faire le tour de Venise...
Je reviens sur mes pas. Dans le dedans de la ville. Les ruelles. Les venelles.
Tout ici ramène vers l'intérieur "...
Un jour il y a la rencontre Page 45 ...
" Campiello Bruno Crovato. Un chat débouche d'une ruelle, un chat
jaune, presque roux, il traverse le campo désert et il va miauler devant une
porte. La porte s'entrouvre et le chat entre... Derrière la fenêtre, il y a un
bureau. Sur le bureau, des livres, des papiers, des cartons. Maintenant il y a
le chat. Et derrière le bureau, il y a vous" ...
Page 58 ... " Celui-là (le chat) je l'ai trouvé sur
l'île San Clemente. L'île San Clemente, vous connaissez ? C'était un asile
avant. Ils l'ont vidé pour faire un hôtel de luxe. Aujourd'hui, il n'y a
toujours pas d'hôtel mais les fous sont partis. L'île est déserte. Il ne reste
que les chats, des dizaines de chats qui se reproduisent à tout va... J'ai
ramené celui-là " ...
Page 51 … " C'est votre voix qui m'a plu. Cette
voix comme arrachée de votre ventre. Et puis après vos yeux" ...
Lui c'est un Vénitien, il est libraire c'est un solitaire,
un taciturne comme il dit lui-même, un silencieux comme elle car c'est le moins
qu'on puisse dire elle n'est pas bavarde, il va la guider dans le choix de ses
lectures, de ses auteurs et dans certaines de ses visites sur l'île, il voue
une admiration sans borne au peintre juif Zoran Music connu entre autre
pour avoir dessiné et peint l'holocauste il vit avec sa femme Ida, la
dame aux cheveux rouges, le couple habite à deux pas de chez le libraire. Ils
fréquentent les mêmes endroits mais il ne veut pas leur parler ou il n'ose pas
les déranger dans leur retraite.
Dino Manzoni le libraire, voilà un personnage
qui prendra toute son importance au fil des jours, au fil des pages,
à son contact et petit à petit elle va renouer avec ce sentiment amoureux
qui l'a détruite le lecteur sent que cela est réciproque mais... Tous les
personnages de ce roman sont comme le pantin à l'entrée de la librairie de
Dino, ils sont accrochés à la vie comme par un fil, ils sont en manque ou
bien ils connaissent ou bien ils ont connu ou bien ils ont perdu un
amour et c'est ce qui les rend si attachants et si intéressants. Cela
force l'analyse de chacun. Pour elle, pour chacun, L'autre est indispensable à
leur équilibre affectif, à leur apaisement, à leur renaissance. Elle va
reprendre vie en découvrant grâce à Dino cette attirance charnelle qu'elle
ne pouvait ressentir que pour Trévor qu'elle oublie finalement à son contact.
Elle va trouver goût aux arts à la littérature aux poèmes
et avec le Prince elle va retrouver l'envie de vivre tout simplement
elle qui peut marcher se déplacer, elle va apprécier la musique, le bon vin.
Clara c'est la danse. Elle va s'oublier enfin pour s'extraire d'elle-même et
regarder et penser à l'autre qui a besoin et l'autre en l'occurrence ce sera le
Prince qui cherche sa Tatiana pour partir en paix.
Page 48 … « Tout est silencieux, humide. Je traîne...
«
Page 69 ... " Les salons du Florian. Banquettes de
velours rouge. Petites tables en marbre blanc. Avec la vue sur San Marco - Il
me faut la table sous le Chinois, je demande, Le serveur a l'habitude. Il
m'accompagne... - C'est un prince qui m'a dit de venir là. Le serveur me
regarde, pas même étonné. - Qu'est-ce que vous prenez ? - Un chocolat. Le temps
passe. Vide, silencieux. Feutré. Dehors, le ciel devient plus sombre, presque
noir. Par contraste, la pierre vire au rose. Sur la place, les premières gouttes.
Des parapluies s'ouvrent "...
En avançant dans ma lecture je me dis que décidément Claudie Gallay doit-être une femme très sensuelle même si cette sensualité est toute en retenue c'est ce qui fait la force de son écriture. Elle sait faire apprécier les moindre petites choses de la vie de tous les jours. La solitude est décortiquée, la rencontre est décortiquée, la découverte est décortiquée. C'est vraiment un roman d'atmosphère comme souligné au verso du livre. Cette attraction presque animale envers cet homme, l'odeur du chocolat chaud, les clapotis de l'eau, les remous de la vase et ses odeurs nauséabondes parfois, les parfums de femmes, le silence feutré de l'hiver sous les flocons de neige qu'elle avale en levant la tête en ouvrant grand la bouche, surprise qu'elle est de retrouver ce geste enfantin, la douceur du chat, ses ronronnements, ses frôlements, le bruit des pigeons qui grattent les murs, l'odeur des livres en cuir et de leur poussière, l'odeur de la vase, l'odeur de colle chez Luigi, les bruits aussi les bruits de la pension, les bruits d'amour de ses voisins de chambre, les ombres et les lumières sur l'eau, dans les venelles, sur les ponts, ces lumières qui varient selon les heures et ces ombres qui apparaissent et disparaissent.
Ce livre est un poème.
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