de Maïa ALONSO aux Editions ATLANTIS
Maïa ALONSO qui vit en Gascogne après une jeunesse nomade
entre Mascara, Toulouse, Londres et Paris a publié trois romans : L'odyssée de
Grain de Bled en terre d'Ifriqiya en 2013. Le soleil colonial - Au Royaume des
cailloux en 2014 qui fut couronné du prix Terre d'Eghriss la même année que sa
parution et Les enfants de la Licorne en 2015 (éléments, s'il est besoin de le
signaler, repris au verso de son dernier ouvrage).
Il s'agit d'un roman troublant, surprenant autant
qu'envoûtant. Un roman d'amour éternel et sans faille. Un roman d'amour profond
et le regret impérissable d'un pays perdu.
C'est une grande et belle histoire qui nous est contée avec
beaucoup de poésie, au fil du temps et des maux qui passent ou ne passent pas.
La grande Histoire de Maïsée et d'Adrien. Je classerai ce livre dans la
catégorie des romans psychologiques de par les pensées développées jusqu'au
plus profond de l'être, tous les personnages, toutes les actions sont
décortiquées, l'esprit humain est surprenant parfois. Le lecteur suit Maïsée,
Adrien, Hélène et chaque protagoniste qui se baladent entre la vie et la
mort, entre le rêve et cette réalité parfois dérangeante
mais toujours aussi troublante.
... page 65 ... - Maïsée n'aimait pas évoquer l'Algérie.
N'ayant pas la maîtrise de ses émotions, elle refusait de soumettre sa
vulnérabilité au regard étranger. D'ailleurs, tout ce qui n'était pas son
enfance au bled n'avait aucune chance de se modeler un jour en un souvenir. Les
quinze années de sa vie là-bas ne seront jamais classées dans la rubrique
passée, mais continueront de se conjuguer au présent.... Pourtant, Maïsée est
bien partie de l'autre côté des apparences. Elle n'a pu survivre aux ruines du
rêve. Est-ce une raison suffisante ? N'y a-t-il pas autre chose qui la dépasse
? Qu'elle seule connaissait ?
Puis le temps passe et Maïsée aime profondément Adrien, son
affection pour lui s’est transformée en amour mais lui, l'a aimée si jeune encore.
Que plus tard il ne pourra se résoudre jamais à consommer ce mariage
d'amour pur.
Maïsée ne peut pas vivre sans Adrien, Adrien ne peut pas
vivre sans Maïsée qui a grand besoin d'un soutien psychologique. Un jour à
Hossegor où Adrien a loué une villa pour quelques jours de vacances (il l'a
rejoindrait plus tard) Hélène vient retrouver sa petite sœur en perdition,
cette chère petite sœur que tout ramène au sable, à la mer inévitablement qui
la sépare de sa terre natale, cette petite sœur qui se débat dans ses souvenirs
tel un papillon ensablé. La mer l'envoûte.
Elle disparaît alors qu'Adrien ne les a pas rejointes
encore. Elle disparaît, alors que les craintes d'un geste de folie de sa part
est présagée depuis un moment déjà.
Plus tard, nous suivons Adrien seul à Loubet imprégné tout
entier de la présence de son grand amour envolé on ne sait où.
Les années passent encore. Nous suivons Hélène
Vega/Malionne, vieillie et murée désormais dans sa tristesse, dans un monde de
souvenirs silencieux, sur l'île de Noirmoutier. Une pension de famille "
une demeure plantée sur le rocher surplombant la mer : La pension des
papillons... Magali décide de la prendre sous son aile afin de l'aider à sortir
de sa torpeur, mais Hélène le veut-elle vraiment ? on comprend que non. "
Laissez-moi donc tranquille (pense-t-elle). Je ne dois pas oublier. Il faut que
je récite. Là, tout de suite, sinon les mots vont m'échapper. Et alors qui sera
ta mémoire, Maïsée ? ".
Malionne/Hélène détient un lourd secret, elle a en sa
possession le carnet de sa petite sœur qu'elle a gardé pour elle après sa
disparition et s'en veut profondément de l'avoir dissimulé à Adrien. Page 109
... L'être est parti, mais l'amour demeure, implosé. Et je me fais toupie, et
je me fais vertige. Je porte les stigmates de toutes les absences qui m'ont
conduite à ce "maintenant"... Vivre avec l'absence, ce n'est pas de
la nostalgie. L'absence, c'est juste la présence qui se décante en nous
attendant...
Un jour sur l'île, l'appel de la mer est le plus fort.
Hélène disparaît à son tour alors qu'on la croit divaguer
en apercevant Adrien qui s'approche d'elle...
Un autre jour, loin bien loin de Paris, Hossegor,
Loubet ou de l'île de Noirmoutier, une jeune femme ouvre les yeux ...
est-elle morte ? où se trouve-t-elle à présent ? page 116 ... Elle ouvrit les
yeux. Toujours le même décor, le même vide brûlant. La même solitude.
Étrangement, elle s'y habituait. Cela ne ressemblait à rien de ce qu'elle
connaissait... Deux silhouettes en longues robes blanches se tenaient à quelque
pas, parlant à voix basse, penchées l'une vers l'autre...
Où se trouve-t-elle ? mystère... le lecteur le découvrira au
fil des pages où le temps va passer curieusement mais aux côtés de Rachid
(intégriste - ... page 141 ... L'Islam libérera l'homme de l'emprise des
idéologies éphémères et perverses..., si lucide parfois que cela en est
troublant, mais emplit d'une affection sincère pour la jeune
inconnue) et de sa compagne Karima qui se révélera être une
traîtresse dangereuse et terriblement cruelle, elle la regarde
d'ailleurs dès son apparition, d'un très mauvais œil.
page 121 ... Nous avons grandi ici. Mais cela n'avait rien à
voir avec ce que tu vois. C'était un paradis... elle ne sait pas si elle
est un fantôme donc si elle est morte ou si elle est toujours vivante.
Dans le récit on va apprendre qu'elle est probablement
rendue à son point de départ enfin celui de sa famille, celui de ses
ancêtres venus s'installer sur cette terre aride au fil des ans
adorée, cette terre où ils se sont enracinés et l'auteure nous indique en
bas de page qu'il faut se référer à son ouvrage : Le soleil colonial - Au
Royaume des cailloux ... effectivement, des noms qui nous sont familiers,
des lieux, des situations nous reviennent en mémoire.
La rencontre avec Baba Antoine ou Père Antoine est
surprenante de par ses convictions spirituelles et
dévotieuses (intégriste lui aussi, à sa manière) ...page 167 ... Elle
s'était installée dans la vie de quelques familles de ce qu'elle continuait
d'appeler le village fantôme. On l'avait adoptée simplement. Elle ne jurait pas
dans le paysage... en fait, elle était chez elle tout comme autrefois ?
Durant toute cette période sur la terre algérienne, on ne
sait toujours pas si il s'agit d'un rêve, d'une après-vie ou d'une réalité. La
réalité pourrait nous éveiller de part des souvenirs extrêmement violents et la
cruauté de cette guerre.
Il ne faut manquer aucun mot, aucune phrase, aucune page de
ce roman, aucune pensée intime de chacun des personnages, le cheminement est
important, le nôtre : celui du lecteur car il nous mènera à réaliser le
mystère des disparitions dans les dernières pages seulement. Le lecteur est
suspendu aux mots et aux visions de l'Auteure, à ses plus intimes
remarques et pensées.
Le lecteur doit dépasser ce stade de l'esprit naviguant
entre deux mondes étonnants.
« Il est étrange de songer que, jusqu’à ce jour, je ne puis
passer une nuit sans grands effrois du feu ; et cette nuit même, je ne pus
fermer l’œil avant deux heures du matin, ma pensée étant obsédée par le feu »
citation de Samuel PEPYS.
.. Page 143 .. Je dois dépasser ce stade. Je dois aller
au-delà. Il faut que je comprenne ce qui se passe. Où je suis. Pourquoi
j'habite ces visions. Page 145.. D'un ample mouvement. Maï désignait l'espace
qui leur tenait lieu de cocon. Pas un seul emplacement de vide. Tout était
grignoté par des sons variés et particuliers, des chants, des crissements. La
vie suintait de chaque frôlement de l'air comme une peau gémirait, abandonnée à
la tendresse...
Nous sommes dans ce roman aux frontières du plausible et de
l'imaginaire mais toujours imprégnés d'une grande tendresse.
Dans ce beau roman, moi lectrice je le répète : surtout
ne pas sauter un mot, une phrase, ils ont tous une importance capitale,
chaque personnage y est, en avançant dans la lecture, éloigné de
tout sens logique définitivement ou provisoirement, entremêlé,
ensablé, vivant ou mort ou entre deux mondes accessibles seulement par les
pensées profondes réelles ou abstraites de chacun...L'Auteure nous mène
ailleurs, dans la profondeur des sentiments de chacun des personnages où
ils sont analysés avec intensité, violence et tendresse.
Ce roman est un roman d'Amour avec un grand A.
- Mais où sommes-nous ? écrit l'Auteure dans ce beau
livre, mais où sommes-nous rendus ? ajouterais-je en réalisant, si ce
n'est déjà fait, qu'une terre, dans une période dont on doit
transmettre aujourd'hui encore l'absurdité, peut à ce point bouleverser et
déstabiliser un être humain et cela jusqu'à la fin de ses jours.
Ah, les chemins de vie pour beaucoup d'entre
nous, sont jalonnés de pierres trop chaudes sur lesquelles nos pieds
ont grand peine à se poser bien qu'ils cherchent à prendre racine quelque part
dans des ailleurs qu'ardemment nous souhaitons.
Merci Maïa ALONSO pour ce travail fabuleux de résonance intérieure, un délice à lire avec une petite larme à l'œil parfois. Merci pour cette histoire extraordinaire et pour tout ce ressenti sur lequel tu mets des mots si troublants.
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