Une page de notre Histoire livrée parfois douloureusement mais toujours fièrement par Maïa Alonso dans ce magnifique ouvrage à conseiller à la jeune génération pour qu'ainsi se perpétue la mémoire de ces pionniers qu'on a si mal traités.
Roman de Maïa Alonso – Edition Atlantis - Collection
France-Algérie.
Ce magnifique ouvrage vient de recevoir le Prix des Lecteurs 2014 de la Librairie Pied-Noir
Prix Terre d'Eghriss/L'autre rive de l’association de
Thiersville, présidée par Lucien Cano , vice-président Jean-Félix Vallat
Citation de Maïa ALONSO en avant-propos : " Moi
qui suis petite-fille et fille de colons, fière de leur travail, j'ai voulu
témoigner de la grandeur de ces femmes et de ces hommes que j'ai vus à la peine
pour fertiliser une terre sauvage et souvent hostile. Une terre qu'ils ont passionnément
aimée. Ce livre se veut aussi un hommage à la fraternité qui régnait en Algérie, un fait
oublié de l'histoire officielle ".
Un ouvrage qu'il faut avoir dans sa bibliothèque. Après
lecture, je suis certaine qu'il répond à un intérêt public bien qu'il y retrace
la vie romancée des ancêtres de l'Auteure : un couple d'Espagnols
immigrés en terre Africaine, cet ouvrage relate également leur long cheminement
jonché de difficultés surmontées à force d'acharnement, rien n'est simple sur
une terre nouvelle, sur un sol aride tel que celui-ci. Maïa ALONSO raconte avec
passion et amour le début de cette lignée dont elle est si fière d'appartenir.
Elle nous entraîne à travers les âges et cela dès 1870,
année cruciale pour José-Luis Vega Ramos qui quitte le port de Carthagène sur
une balancelle entraînant avec lui sa jeune épouse Maria-Luz Vega Garcia âgée
de 17 ans déçue mais contrainte de par la tradition de son pays d'origine de
suivre le mauvais parti qu'on lui a imposé. Ils vont avec toutes les
difficultés que l'on peut imaginer (si on lit bien) échapper au statut de
"déserteur" en immigrant vers la côte Nord-Africaine dont le sol déjà
français depuis 1830 et dont les autorités se satisfont de cet afflux de
main-d’œuvre nombreuse, courageuse, jeune, bon marché et pleine d'espoir pour
leur propre avenir. Le départ est difficile, la traversée pénible et l'arrivée
épouvantable.
Page 26 : Les ibères étaient habitués à s'échiner le cuir
sur une terre ingrate. Le sol Africain ne changeait pas leurs habitudes,
contrairement aux Français de France, comme très vite on appela les arrivants
de la métropole, France maîtresse souveraine des nouveaux territoires convertis
en départements...
Cependant que Maria-Luz (voilette baissée traduisant son refus de céder à son époux) constate au fil des mois qui passent que finalement elle n'est pas si mal mariée et que son époux s'il s'est enfui ruiné, est doté d'un immense courage au labeur et d'une belle honnêté. C'est elle, qui va donc décider de l'avenir de la famille, de leur lignée sur les caillasses d'Afrique.
Page 31 : Elle s'accroupit et rassembla une poignée de terre dont elle fit rouler les grains d'une main à l'autre, puise se redressant, altière et menaçante, clama dans la nuit d'encre parsemée d'étoiles si proches qu'on aurait cru pouvoir les saisir en tendant les doigts : - toi, Piel Roja la Barbare, je suis Maria-Luz Vega y Garcia ! Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que tu ne me trahiras jamais :
La famille prospère (Miguel ou Michel, les jumeaux, Manuel,
Nicolas, Filomena puis plus tard la petite Pauline en 1885 (deux fillettes très
différentes une petite blonde réservée et une brunette sauvageonne - ... ses
amis étaient les garçons du faubourg Isidore où ils vivaient, jeunes Arabes ou
fils d’Européens. .) d'Oran où ils s'étaient installés... Départ pour Mascara
où ils travaillèrent toujours la terre en Seigneurs, oui, en Seigneurs des
Cailloux !
Page 65 - Courageusement, ils avaient arraché les cailloux
et les lentisques de la terre, pour ensuite implanter de nouvelles vignes qui
se plaisaient dans ce sol. On disait des colons qu'ils étaient les nouveaux
seigneurs du pays. - Des seigneurs ? Mon Dieu, oui mais des seigneurs avec pour
royaume des hectares de cailloux ! Et je n'en vois pas la fin ! répliquait le
père de Léonard Nogaret avec un humour mâtiné d'amertume. Souvent par la suite,
José rappela cette réflexion à ses fils et sa petite-fille, Marie-Sahara,
adopta l'expression, appelant son père et ses oncles les Seigneurs des
cailloux.
Et l'histoire continue son rythme bienheureux, son rythme
douloureux parfois. La petite Filomena est emportée par la fièvre des marais...
Pauline qui se marie et épouse José Rubia de 7 ans son aîné., mariage imposé
car c'est toujours la tradition, ils auront Jeanne et deux garçons Page 60 :
Depuis que la filomena n'est plus c'est toi notre seul trésor, notre Mahia,
notre Eau de Vie. Page 61 : Le Padre Juan qui les avait mariés ne lui avait-pas
dit : - Fais des enfants, Pauline. N'imite pas les Français ou les Italiens.
N'oublie jamais que tu es Française seulement sur le papier. Pour toujours tu
es Espagnole. Pauline s'était surprise, en écho, à penser : - Je suis
Algérienne, Padre...
José Rubia Page.65 José avait grandi dans la poussière de la
caillasse, rêvant de terre à défricher, non pour y inscrire des routes à son
tour mais plutôt des sillons à faire reculer le désert du bled....
Page.67 : En ces débuts de la colonisation, dans la pratique, l'établissement des colons espagnols étaient confié à des capitalistes français mais les Espagnols désireux de devenir propriétaires terriens se voyaient freinés soit par des interdictions formelles, soit par la complexité des formalités administratives, soit encore par l'obligation de posséder un capital qu'ils venaient précisément chercher en Algérie.
Page.74 : La situation des premiers colons était complexe. Outre la dureté du travail de la terre -il avait fallu en arracher des jujubiers épineux et des lentisques aux racines noueuses ! - des imbroglios sans fin et des contestations compliquaient leur vie, tant vis-à-vis de l'administration que des coutumes ancestrales des Musulmans. Dans les premières années de la conquête, les transactions entre Arabo-Berbères et Européens entraînèrent de nombreux litiges... Puis José Rubia se fera naturaliser. Le temps passe vite et Maria-Luz a un rendez-vous qu'elle ne peut manquer.
Page 89 : - L'Algérie, c'est nos ancêtres, du moins ceux des
gens qui sont ici, qui l'ont entièrement construite pierre par pierre, arpent
par arpent, dans le sang et la sueur, et ces gens que vous insultez de votre
mépris pitoyable poursuivent cette œuvre dans la dignité. Ils méritent votre
respect monsieur !
Page 103 : La guerre de France n'avait pas voulu de Pierre-Ange. Mais celle d'Algérie survenant en 1954 bien trop tôt pour laisser sa chance à une identité Algérienne de se forger, ferait-elle également la dédaigneuse ?
Aïn-Béranis, juillet 1955 notre petite Marie-Sahara joue
dans les cailloux, elle joue avec Syrâd... - Tiens ! C'est pour toi, un trésor
...- Tiens, Myriem-Sah'ra... Elle capitula, fit volte-face, salua en ployant
légèrement le genou : - Oui, Sidi Syrâd ! Il se rembrunit : - Arrête, Oukh'ti !
On ne joue plus. Je suis sérieux. Je suis Rachid l'Arabe et pas ton Syrâd le
Berbère. Pfffft... ! Ce jeu de Marie-Sahara le hérissait, surtout depuis le
début des évènements. Il était Arabe, pas Berbère....
Page 132 Marie-Sahara ne s'apercevait de rien. Elle avait
huit ans. Elle n'imaginait même pas que son univers puisse éclater et être
promis à la même destinée tragique qui broya la Kahena...
Je dois préciser que toutes ces pages des " enfants du
bled " sont mes préférées, parce que j'y sens tant d'amitié sincère, de
fraternité, d'innocence, ces gosses-là sont comme tous ceux de leur âge si
désireux de vivre en paix, ils ne voient entre eux aucune différence.
Marie-Sahara ce petit bout de femme est notre Grain de Bled
Page143 à 145 Ce jour-là, c'était le jour des femmes. Elles arrivaient de la Khaïma, voilées, soumises à leur vieille duègne, Yaminah, qui distribuait les consignes en aboyant sans tendresse.......
La vie se déglingue, malgré tous les espoirs, tous les
efforts...
Page 159 Pour Marie-Sahara, les évènements, cela signifiait
qu'ils étaient tous en grand danger... C'est le temps des méfiances, des
séparations, des crimes, des attentats, des horreurs. Il faut faire les
valises. On prie pour que Dieu et Allah les épargnent tous dans cette tourmente….
Mais c'est fini c'est la guerre qui fait des ravages. Jeanne et Angelo en
subiront les conséquences et la petite Mielou si fragile marquée à vie, aura le
mot de la fin de cet ouvrage magnifique - tout comme Maria-Luz... - C'est la
terre de nos enfants à naître dira-t-elle en arrivant sur le sol de France...
ouvrage où l'on sent le désespoir infini à boucler des valises où l'on ne
trouve rien à mettre parce qu'une vie ça n'est pas, des "affaires" à
entasser. L'Algérie sera devenue indépendante mais à quel prix. Où est-donc
passé le petit Rachid ? Yaminah ? Où sont nos amis où sont nos frères ? le
calme après la tempête ne rendra pas le sourire à cette famille dont les
"anciens" étaient venus chercher l'Eldorado ici plein de courage et
sans haine.
Mais ils reconstruiront ailleurs ces Seigneurs ! ils
trouveront un autre Royaume des cailloux car l'espoir s'est bien connu
déclenche toujours des miracles !
Il est dans la vie des familles ou d'un pays des périodes
qui blessent les mémoires et qui n'arrivent pas à cicatriser. Il est très dur
d'évoquer ces époques car on n'a pas les mots pour exprimer l'horreur, la
déception ou le chagrin. Beaucoup sont à jamais marqués dans leur chair. Que
cela se sache, partagez les souvenirs, informez la génération qui nous vient
afin que jamais personne n'oublie ces années terribles de notre Histoire à
tous.
"Lorsqu'un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve.
Mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une nouvelle
réalité." F. Hundertwasse.
Maïa ALONSO précise et je lui laisse le dernier mot
... C'est à tout ce peuple
bigarré, disparate, chaleureux, hospitalier, au sang chaud, au verbe haut,
mêlant dans le respect les trois religions monothéistes, que je dédie ces
chapitres ...
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