mardi 9 septembre 2025

Virée de chiffons

 Souvenir d'un arrêt chez Tati très jeune entre deux cours

Virée de chiffons,

Près du port de Cherbourg par un très mauvais temps
propulsée par un grand vent arrière des plus violents    
je m'engouffre à l'abri d'une échoppe au hasard  
où des nanas fébriles s'entassent et font rempart.  

Hardie je joue du coude pour atteindre la barre,
en plongeant dans la foule je crains le traquenard,     
des tissus à bâbord qui s'échouent à tribord
en bavant sur le pont où je perds le nord !

L'approche est délicate, tanguer sans dessaler...
éviter la vendeuse plutôt déboussolée,
puis larguer les amarres pour atteindre le large
en restant cramponnée très fort au bastingage.

Lorsqu'une mer forte argentée et brillante
m'incite à redresser une gite inquiétante,
Je mets vite le cap sur de lourds ottomans
et tente une embardée vers de beaux satins blancs,

je prévois une escale dans les soieries persanes
qui rappellent l'éclat des grandes courtisanes.
Droit devant je filoche vers les cotons perlés,
les tentures précieuses et les galons brodés.

Je file tout en brassant la coiffure affolée
où la cohue m'entraîne forçant à avancer.
Une onde d'organdi indienne je suppose
me fait virer de bord, je vois la vie en rose..

Lorsqu'un marin perdu au milieu des sirènes
m'écrabouille les pieds sans que nul n'intervienne
je cède à la tempête me jetant à l'assaut
de toiles bon marché, j'ai la quille en lambeaux.

Mayday, Mayday, Mayday je ne veux pas mourir,
c'est la tête hors de l'eau que je veux ressortir.
En atteignant la proue à deux pas du salut
j'échoue sur le comptoir complètement perdue

pour une descente à quai devant le tiroir-caisse
où là on me déleste du prix de quelques pièces,
mais quel soulagement, enfin, enfin la terre !
je viens de jeter l'ancre mais j'ai le mal de mer !

Catherine Pallois Tous Droits Réservés/2014


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